Rejet de la Loi Grémillet : quel avenir pour les énergies renouvelables ?
- Boris COUDERC
- 16 juil.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 sept.
Depuis plusieurs mois, le débat autour de la loi Grémillet énergies renouvelables a animé les travées du Sénat et de l’Assemblée nationale. Ce texte, porté par le sénateur Daniel Grémillet, visait à instaurer un moratoire éolien solaire sur de nouveaux projets, le temps de mieux encadrer leur développement. Si la proposition avait été adoptée en première lecture au Sénat en février 2025, elle a finalement été rejetée par les députés de l’Assemblée nationale au mois de juin. Pourquoi ce rejet ? Que contenait réellement ce projet de loi ? Quelles conséquences pour la filière des énergies renouvelables en France ? Cet article fait le point sur les faits récents et les débats qui traversent aujourd’hui la politique énergétique française, avec une analyse claire et pédagogique pour les acteurs du secteur et le grand public.

Que contenait réellement la loi Grémillet ?
Le texte baptisé loi Grémillet énergies renouvelables, déposé en janvier 2025 par Daniel Grémillet, sénateur (Les Républicains) des Vosges et président de la commission des affaires économiques du Sénat, proposait d’instaurer un moratoire éolien solaire temporaire. L'objectif était de suspendre, pendant deux ans, l'instruction de nouveaux projets d’installations photovoltaïques au sol et d’éoliennes terrestres, afin de permettre une révision des procédures d’autorisation et une meilleure prise en compte des enjeux locaux. Cette proposition de loi répondait aux inquiétudes exprimées par de nombreuses collectivités rurales et élus locaux, qui dénonçaient une accélération jugée « anarchique » du développement de certains projets sur leur territoire.
Le sénateur Grémillet défendait une logique de « pause » pour garantir une planification cohérente, en lien avec les besoins du mix énergétique français et les objectifs climatiques France. Il affirmait vouloir éviter des tensions sur l’usage des sols agricoles et forestiers, et préserver la qualité des paysages. Le texte comportait également des dispositions pour renforcer la concertation avec les habitants et les élus locaux. Adoptée au Sénat à une large majorité en février 2025, la proposition de loi a suscité de vifs débats lors de son passage devant les députés.
Pourquoi l’Assemblée nationale a rejeté la loi ?
Le rejet de la loi Grémillet par l’Assemblée nationale, intervenu le 12 juin 2025, s’est inscrit dans un contexte de débat politique énergie particulièrement tendu. Les députés de la majorité présidentielle, rejoints par plusieurs élus de la NUPES et du MoDem, ont jugé que ce moratoire éolien solaire risquait de freiner les efforts de la France pour respecter ses engagements européens en matière de transition énergétique et ses objectifs climatiques France.
Le ministre de la Transition écologique a rappelé en séance que la France devait augmenter de 50 % la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici 2030, conformément au paquet climat européen « Fit for 55 ». Bloquer l’instruction de nouveaux projets aurait constitué, selon lui, un signal négatif pour les investisseurs et les filières industrielles du solaire et de l’éolien.
En outre, plusieurs députés ont souligné que les dispositifs de régulation prévus dans la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en cours de révision suffiraient à encadrer le développement des projets. Le rejet de la loi Grémillet a donc reflété un choix politique assumé : accélérer la transition énergétique plutôt que ralentir le déploiement des filières renouvelables.
Un débat révélateur des fractures politiques
Le débat politique énergie suscité par la loi Grémillet énergies renouvelables a mis en lumière les profondes divergences au sein de la classe politique française sur le rythme et les modalités de la transition énergétique. Alors que certains sénateurs et députés, en particulier issus des territoires ruraux, soutenaient le besoin d’un moratoire éolien solaire pour freiner une dynamique perçue comme déséquilibrée, d’autres plaidaient pour une accélération rapide du développement des énergies renouvelables afin de répondre à l’urgence climatique.
Ce clivage dépasse les habituels clivages partisans. Si Les Républicains ont majoritairement soutenu la proposition de loi, une partie des centristes du Sénat ont voté en sa faveur, tandis qu’à l’Assemblée nationale, la majorité présidentielle s’y est clairement opposée, appuyée par les écologistes et la gauche. Lors du débat, le Premier ministre Gabriel Attal a d’ailleurs rappelé l’ambition du gouvernement de « doubler les capacités solaires et éoliennes d’ici 2030 », insistant sur le fait que le cadre de régulation serait prochainement renforcé dans la future programmation pluriannuelle de l’énergie.
Ce débat a également révélé les tensions croissantes entre les impératifs de développement durable au niveau national et les attentes des collectivités locales soucieuses de préserver leur cadre de vie. La question de l’acceptabilité sociale des projets reste ainsi un enjeu majeur pour la politique énergétique à venir.
Quelles réactions après le rejet de la loi ?
Le rejet de la loi Grémillet par l’Assemblée nationale a suscité des réactions contrastées dans le monde politique et économique. Daniel Grémillet, porteur du texte, a exprimé sa « profonde déception », estimant que ce rejet ignorait « les attentes des territoires » face aux impacts paysagers et fonciers du développement des énergies renouvelables. Il a réaffirmé la nécessité d’un encadrement plus strict des implantations de projets, et n’a pas exclu de revenir avec une nouvelle proposition lors de la prochaine session parlementaire.
Du côté des acteurs économiques, le moratoire éolien solaire proposé par la loi avait été critiqué par le Syndicat des Énergies Renouvelables (SER), qui redoutait un coup d’arrêt brutal pour les filières industrielles françaises. Les entreprises du secteur ont salué le rejet de la loi Grémillet comme une « décision responsable » permettant de poursuivre la dynamique actuelle du marché.
Les collectivités, quant à elles, restent divisées. Certaines associations d’élus ruraux regrettent le rejet du texte, arguant d’un manque de concertation avec les habitants, tandis que d’autres, engagées dans des projets territoriaux de transition, se félicitent de pouvoir continuer à développer des solutions locales en matière de mix énergétique.
Quelle vision de long terme pour le mix énergétique français ?
Le rejet de la loi Grémillet énergies renouvelables intervient alors que la France doit faire des choix structurants pour son avenir énergétique. Le rapport prospectif "Futurs énergétiques 2050" publié par RTE éclaire ces débats : il présente six scénarios de production d’électricité et trois trajectoires de consommation, avec pour objectif commun la neutralité carbone d’ici 2050. Tous les scénarios, même les plus sobres, prévoient une forte hausse de la consommation d’électricité — entre +20 % et +64 % selon les cas — liée à l’électrification massive des usages dans l’industrie, la mobilité ou le chauffage. Pour répondre à cette demande croissante, RTE identifie deux leviers incontournables : la prolongation du parc nucléaire existant et l’accélération des énergies renouvelables, qui devront passer de 120 TWh aujourd’hui à près de 300 TWh en 2050. Si certains scénarios misent sur un mix 100 % renouvelable, d’autres intègrent des réacteurs de nouvelle génération (EPR, SMR) pour garantir la stabilité et la sécurité du système.
Ce consensus technique renforce l’idée que la suspension généralisée des projets solaires et éoliens, comme le proposait la loi Grémillet, aurait compromis les trajectoires compatibles avec les engagements climatiques de la France, tout en ralentissant la nécessaire modernisation du réseau électrique national.
Quelles conséquences concrètes pour les énergies renouvelables ?
Le rejet de la loi Grémillet par l’Assemblée nationale permet de maintenir la dynamique actuelle du développement des énergies renouvelables en France. En l’absence de moratoire éolien solaire, les porteurs de projets peuvent continuer à déposer des demandes d’autorisation pour de nouvelles installations photovoltaïques et éoliennes. Cela est crucial pour respecter les engagements pris dans le cadre de la future programmation pluriannuelle de l’énergie, dont le projet pour 2024-2033, présenté par le gouvernement au printemps 2025, fixe des objectifs ambitieux : atteindre 100 GW de capacité solaire installée et 50 GW d’éolien terrestre à horizon 2035.
En termes de mix énergétique, le maintien de cette trajectoire est essentiel pour compenser la baisse attendue de la production nucléaire pendant les opérations de maintenance et le retard sur certains nouveaux réacteurs. De plus, la filière des énergies renouvelables reste un levier important pour réduire la dépendance énergétique de la France et contribuer aux objectifs climatiques France, alignés avec les orientations du Pacte vert européen.
Cependant, ce rejet n’efface pas les tensions locales. De nombreux élus réclament toujours un meilleur équilibre territorial dans le déploiement des projets, ce qui sera l’un des enjeux majeurs des révisions de la programmation pluriannuelle de l’énergie et des prochains débats sur la transition énergétique.
Et maintenant ? Le calendrier politique à venir
Le rejet de la loi Grémillet énergies renouvelables ne clôt pas le débat politique énergie en France. Le gouvernement, par la voix du ministre de la Transition écologique et du Premier ministre Gabriel Attal, a rappelé que la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) reste le véritable outil stratégique pour piloter la politique énergétique et le développement des énergies renouvelables. Le projet de PPE 2024-2033 devrait être soumis au Parlement pour adoption d’ici la fin de l’année 2025, après une large phase de concertation publique.
Les discussions à venir porteront notamment sur les mécanismes de planification territoriale, le renforcement de l’acceptabilité des projets et l’articulation entre énergies renouvelables et autres composantes du mix énergétique, en particulier l’énergie nucléaire et les capacités de stockage. La question d’un éventuel moratoire “éolien - solaire” pourrait aussi resurgir, dans un cadre révisé ou sous forme d’amendements à la PPE.
Par ailleurs, le gouvernement a annoncé qu’une nouvelle loi sur la transition énergétique serait présentée au premier semestre 2026, afin de mieux coordonner les objectifs climatiques avec les besoins des territoires. Les débats parlementaires sur ce texte seront suivis de près par les professionnels du secteur, les collectivités locales et les citoyens engagés dans la transition.








